Multiples mais invisibles : les demandes de réparations pour les crimes coloniaux dans la région des Grands Lacs

De vives tensions subsistent dans certaines anciennes métropoles sur la question de savoir si la colonisation et l'esclavage constituent des crimes contre l'humanité. Dans d’autres sphères, cette question est de plus en plus posée en termes de propositions concrètes sur les modalités de réparations pour les crimes coloniaux et l’esclavage. À cet égard, de nombreux acteurs estiment que ces débats sur les réparations ne doivent pas rester eurocentriques mais qu’il est nécessaire de donner la parole ou, mieux, d’écouter ce que les Africains ont à dire sur cette question. Et écouter l’Afrique, c’est être à l’écoute des Afriques, c’est-à-dire l’Afrique dans sa multiplicité géographique et politique de l’Afrique du Nord à l’Afrique de l’Ouest et de l‘Est en passant par l’Afrique centrale et australe ; mais aussi tous les acteurs dans leur diversité y compris les États et la société civile.

Ce rapport s’inscrit dans un effort de comprendre ces demandes de réparation en provenance de l’Afrique et des sociétés civiles africaines plus spécifiquement afin de contribuer au développement d’un agenda pour les réparations des crimes coloniaux et de l’esclavage. Il tente de synthétiser les demandes en provenance de l’Afrique des Grands Lacs (du Burundi, de la RDC et du Rwanda), ce qui fait partie d’un projet plus large d’AfaLab sur le « Développement d’un agenda pour les réparations des crimes coloniaux et de l’esclavage ».  

Il s’agit d’un projet qui s’inscrit dans un objectif plus large de travail sur la reconnaissance et la réparation des injustices raciales structurelles passées et contemporaines entre les États et les peuples. Ce projet est basé sur le constat que les injustices raciales historiques et contemporaines continuent d’être invisibles, ce qui entraîne leur perpétuation et, parallèlement, des difficultés d’accès à la justice pour les populations affectées et lésées.

D’où la nécessité de :

  • investir dans la production et la diffusion de connaissances susceptibles de rendre visibles les injustices raciales historiques et contemporaines.
  • produire et de diffuser des informations suffisantes pour permettre l’accès à la justice des personnes affectées par les injustices raciales.

Afin de contribuer au développement de cet agenda africain sur les réparations pour les crimes coloniaux et l’esclavage, l’AfaLab a mis en place cinq projets de recherches correspondant aux cinq régions du continent afin de faire le point sur les mobilisations de réparations en cours région par région et d’analyser les cas les plus « prometteurs » de demandes de réparations. C’est dans ce cadre plus large que s’inscrit ce rapport qui identifie les demandes de réparation en Afrique des Grands Lacs pour la région des Grands Lacs d’Afrique.

Le rapport, combiné à ceux qui seront produits pour les autres régions d’Afrique, fournira à l’AfaLab une analyse solide sur les réparations pour les crimes coloniaux et l’esclavage. Ce contenu lui permettra de renforcer les demandes des acteurs de la société civile africaine qui devraient continuer à jouer un rôle important dans le développement d’un agenda africain sur les réparations.

Plus spécifiquement, le rapport tentera de répondre aux questions suivantes :

  • Quelles sont les demandes de réparation pour les crimes commis pendant la colonisation ?
  • Qui sont les acteurs qui formulent ces demandes ? Avec quelles ressources (politiques, juridiques, médiatiques, matérielles) ? Avec quelles contraintes ? Avec quels alliés ?
  • Dans quelles arènes sont-elles présentées ? A qui s’adressent-elles ?
  • Quelle est l’histoire de ces demandes ?
  • Qu’est-ce que ces demandes de réparations permettent ou ne permettent pas aux acteurs mobilisés de faire ?
  • Qu’est-ce qu’elles les empêchent de faire ?

Avec ces questions, l’objectif est de définir : les demandes qui sont formulées ; les acteurs qui les formulent ; les cibles de ces demandes ; les ressources ou modalités utilisées ; les espaces/arènes où elles sont formulées ; les alliances nouées dans ces processus ; les contraintes rencontrées dans ce processus ; l’historique de ces revendications de manière plus générale ; une évaluation de leur efficacité par rapport à ce que les acteurs mobilisés peuvent ou ne peuvent pas faire.

Pour répondre à ces questions, nous avons recouru à la revue documentaire et à des entretiens avec plusieurs acteurs dans la région des Grands Lacs. 

Auteur : Aymar N. Bisoka, PhD - external link

Révision : Amah Edoh, PhD - external link & Liliane Umubyeyi, PhD  - external link